DISCOURS

Allocution de Monsieur Edouard FRITCH

Président de la Polynésie française

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Journée de la Femme

8 mars 2018 – Présidence de la Polynésie française

 

Je suis très heureux de vous accueillir dans cet espace de la présidence de la Polynésie française et de répondre ainsi à l’aimable invitation de Madame Chantal GALENON, présidente du Conseil des femmes, que je vous demande d’applaudir. Je vous demande également d’applaudir toutes les équipes, autour de Soumia Handachy et de la présidence, qui ont préparé ces deux journées de rencontres.

Dans notre monde du XXIème siècle, on peut constater que la progression vers l’égalité entre  les femmes et les hommes, bien que réelle, demeure encore largement inaboutie.

Mon opinion  est que notre monde s’écroulerait à bien des égards si les femmes baissaient les bras, ne l’oublions jamais.

Il faut rappeler que la cause du droit des femmes est relativement récente. Ce n’est qu’en 1945 que l’organisation des Nations Unies, tout juste née, a adopté une charte établissant des principes généraux d’égalité entre les sexes. Malheureusement, ce sont souvent les guerres qui permettent l’émancipation des femmes, celles-ci devant soutenir l’effort de guerre en remplaçant au travail les hommes partis combattre l’ennemi, faire vivre la famille et générer des revenus.

Je souhaiterais évoquer d’abord quelques phrases prononcées au fil du temps, qui montrent d’où l’on vient ; je cite :

Selon Pythagore, mathématicien et philosophe grec, né en 582 : « Il y a un principe bon qui crée l’ordre, la lumière et l’homme. Il y a un principe mauvais qui crée le chaos, les ténèbres et la femme ».

Et plus récemment, Laurent Fabius, homme politique et ancien Premier ministre, lors de l’investiture à l’élection présidentielle de Ségolène Royal en 2007, s’interrogeait en ces termes : « Mais qui va garder les enfants maintenant ? ».

Il est impossible de remonter à l’origine de ces inégalités entre hommes et femmes, mais nous pourrions trouver quelques explications dans certaines sphères  de la société.

Quelle est la place de la femme dans la religion ?

Chez les chrétiens, l’ordination des femmes est impossible, à l’exception des protestants.

Chez les musulmans, les femmes ne peuvent devenir imam, elles ne peuvent prier avec les hommes à la mosquée, n’ont pour la plupart pas eu accès à l’éducation, n’ont pas toujours de statut légal ni de vrais droits civiques.

Chez les juifs, la femme n’a pas accès au rabbinat, mais il commence à y avoir quelques exceptions : Célia Surget en 2007, Delphine Horvilleur en 2008.

Quelle est la place de la femme dans les grands pays ?

En Chine, le dirigeant communiste prônait l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans les lois, les chinoises ont des droits similaires aux hommes. Mais en pratique, les discriminations perdurent.

Les femmes, contrairement aux garçons, sont culturellement perçues comme une charge pour les familles.

En Inde, la femme est traditionnellement discriminée et exclue des décisions politiques et familiales. Selon un rapport du  ministère Indien de la santé et de la famille, le taux de mortalité des filles est 61 % plus élevé que celui des garçons.

Au Japon, les inégalités hommes femmes au sein de la famille sont nombreuses mais cela tend à s’améliorer. Il n’existe que deux choix  possibles pour les femmes : soit elles se marient et s’occupent du foyer, soit elles restent célibataires et travaillent.

Quelle est la place de la femme en Polynésie française ?

Et bien, j’ai envie de vous dire que, c’est avec regret que je me retrouve parfois dans les constats du monde que je viens de vous citer.


Je m’y retrouve lorsque l’actualité récente des assises expose le calvaire d’un enfant soumis à la bestialité de son père incestueux pendant 10 longues années.

 

Je me retrouve aussi à la lecture de la condamnation d’un père pour agressions sexuelles à l’égard de sa fille.

Mais ne nous voilons pas la face car des mères viennent aussi à être condamnées pour avoir laissé faire ces agressions ou les avoir elles-mêmes orchestrées en prostituant leurs filles.

Notre Fenua étant à la fois multiculturel et communautaire, les traditions se heurtent aux excès importés de la modernité.

 

La lutte pour les droits des femmes est trop souvent associée à la haine des hommes. Il faut que cela cesse et vous en êtes conscientes en choisissant pour thèmes de vos ateliers : « la violence à l’égard des femmes »,  « le rôle de la femme  dans la reconstruction familiale », et « l’équité Homme/Femme au sein de la société polynésienne ».

Ainsi que je vous le disais à l’instant, ce sont souvent les guerres qui ont permis l’émancipation des femmes. Or, dans notre Fenua nous n’avons heureusement pas de guerre.

Nous avons des femmes de plus en plus diplômées qui aspirent à être dans le couple, dans la société civile, politique ou encore dans celle du travail, les égales des hommes.

Pour cela, elles n’hésitent plus à dire leur mot, à manifester leur indépendance de pensée et de comportement, à voter selon leur libre pensée.

Elles accèdent en plus grand nombre, au sein de l’entreprise, à des postes à responsabilités, car la femme y apporte rigueur, méthode et puissance de travail.

Dans le domaine de la vie publique, elles sont de plus en plus présentes dans les mandats électifs où elles apportent leur sensibilité particulière et leurs valeurs. Nous avons, il est vrai, imposé par la loi, des femmes engagées en politique en égalité avec les hommes. Je vous l’avoue humblement qu’il en faudrait d’avantage, pour leur qualité d’honnêteté, de ténacité et d’ouverture à l’autre.

Elles jouent enfin un rôle social de plus en plus marqué, au-delà du rôle traditionnel d’épouse et de mère de famille. Nous avons depuis des décennies des femmes battantes dans les associations et elles sont nombreuses, qui ont fait avancer la société polynésienne.

Nous avons des femmes pasteurs, diacres, tavini, des servantes fidèles, en nombre impressionnant. Elles peuvent exercer leur ministère pastoral au même titre que les hommes, et ce tout en assurant leur rôle de mère de famille.

C’est pour toutes ces raisons que je trouve normal que la société leur accorde le même respect que celui donné  à l’homme.

Je sais que bon nombre d’entre vous, et d’autres encore, font partie de celles qui ont eu de la chance. Chanceuses d’avoir des parents qui ne vous ont pas moins aimées parce que vous étiez une fille. Chanceuses car l’école ne vous a pas imposé de limites parce que vous étiez une fille.

Je sais aussi que beaucoup se sont élevées en luttant contre les handicaps, les pesanteurs et  par conviction qu’elles avaient à tenir un rôle de leader et de pionnière à l’égard de leurs consœurs. Je pense à madame Tourneux ou mama Tuianu Legayic… Toutes ces personnes ont été les ambassadrices de l’égalité des sexes qui ont fait de plusieurs femmes des missionnées involontaires, qui sont en train de changer le visage de la Polynésie.

Nous avons besoin de vous.

Nous avons besoin que la société ne considère plus que le père ait un rôle moins important à jouer dans l’éducation des enfants que la mère.

Et si les hommes n’ont plus besoin d’être agressifs pour se faire accepter, les femmes ne se sentiraient pas obligées d’être soumises.

Et si les hommes n’ont plus besoin de dominer, les femmes n’auraient alors pas à être dominées.

J’ajouterais même que les hommes, comme les femmes, ont le droit d’être sensibles. Les hommes, comme les femmes, devraient se sentir libres d’être forts sans recourir à leur force brutale.

Il est temps que nous appréhendions l’égalité comme une évidence au lieu d’y voir deux idéaux opposés.

Mais au-delà des mots qui instaurent l’égalité entre les hommes et les femmes, il importe de les concrétiser par des actions.

Le gouvernement vient de donner un nouveau sens à l’égalité en l’affichant clairement dans la réorganisation de la structure administrative en charge de la famille, la « Direction des solidarités, de la Famille et de l’Egalité ». Ce n’est pour nous ni une humiliation ni un déshonneur que de l’afficher, d’autant que c’est le deuxième membre de notre devise républicaine.

Je l’ai dit à maintes reprises : les orientations du gouvernement en matière de politique de la famille sont orientées sur la parentalité, les solidarités destinées aux publics les plus vulnérables, complétées par celles portant sur l’égalité Homme Femme qui sera confié pour la première fois à un département identifié, porté plus spécifiquement sur la prévention et  l’accompagnement de  la prise de conscience que cette égalité ne signifie ni supériorité, ni infériorité.

J’ai voulu que nos structures publiques évoluent en fonction des défis que se présentent actuellement à nous. Aujourd’hui, en raison des bouleversements économiques et sociaux provoqués par la période du nucléaire, beaucoup de structures familiales sont éclatées. Peu ou pas de communication entre le père et la mère de famille. Peu ou pas de communication entre les parents et leurs enfants. De ce fait, il y a trop d’incompréhension et de violences dans les couples, trop de mauvais exemples pour nos enfants qui cherchent à trouver hors de la famille ce qu’ils ne trouvent plus auprès des parents.

C’est pourquoi, il y a une certaine urgence à rétablir la cellule familiale dans son rôle noble et normal. A ce titre, la femme doit retrouver son rôle pilier au sein de la famille.  Ainsi, notre contexte social m’amène à remettre la famille au cœur des préoccupations de mon action publique. Je compte beaucoup sur les femmes pour sauver la famille polynésienne. Il est temps de rétablir la parentalité responsable et l’autorité parentale dans chacune de nos familles. C’est le sens profond de mes propositions.

Anatole France disait : « Le monde, qui n'est que mauvais, sans les femmes serait tout à fait inhabitable ».

Coline Serreau disait : « Le travail des femmes n'est pas un cadeau pour les femmes, c'est un cadeau pour la société ».

Faisons nôtres ces deux citations afin que toutes et tous ensemble portions les valeurs d’éducation, de paix dans les familles et d’équité dans les couples.

Et que vivent les femmes.

Je vous remercie de votre attention.

 

 

 

Gouvernement Fritch sept. 2014 - jan. 2017

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